En vigueur depuis les années 1970, la norme AFNOR NF U44-051 encadre en France les conditions de mise en marché des composts produits à partir des déchets organiques. Elle impose depuis 2007 des seuils à ne pas dépasser pour chaque catégorie de polluants afin de prévenir les risques de contamination des sols. Toutefois, le rôle de cette norme dans les mécanismes de sortie du statut de déchet des matières résiduelles reste ambigu. En occultant certaines des propriétés de ces matières, la norme passe sous silence les incertitudes qui pèsent sur le devenir de ces amendements organiques dans les sols. L’article montre que, dans ce contexte où les savoirs toxicologiques sont balbutiants et où la figure de la victime n’est pas clairement identifiée, les débats épistémiques s’enracinent dans des dynamiques de fétichisation-défétichisation des savoirs. L’absence de données épidémiologiques accentue les effets d’autorité de la norme, mais révèle aussi des manières originales de lutter contre ces savoirs réducteurs. Elle met en jeu des formes alternatives d’évaluation de la toxicité (y compris sensorielles) et engendre des positionnements moraux antagonistes sur la fixation des valeurs-seuils.