L’ensemble des activités en lien avec l’eau du lac de Guiers au Sénégal a potentiellement des conséquences importantes sur son état écologique. Cet article part du constat que la pollution par les pesticides concentre l’essentiel des débats et des actions entreprises tandis que l’enrichissement en nutriments des eaux du lac (représentant un risque d’eutrophisation) n’est un problème que rarement évoqué. Ce constat conduit les auteurs à s’interroger sur les facteurs sociopolitiques qui conduisent à « l’invisibilisation » de certaines causes de dégradation des milieux aquatiques. En nous appuyant sur une enquête de terrain auprès des gestionnaires et usagers du lac, nous montrons les concurrences entre les différents services administratifs qui conduisent à diverses formes de segmentation des causes de dégradation et à la sélection de l’une d’entre elles. Nous montrons ensuite comment cette formalisation du problème est diffusée et renforcée par la mise en œuvre de bonnes pratiques agricoles, essentiellement centrées sur la question des produits phytosanitaires et relayées par des acteurs territoriaux. Cette analyse de la construction institutionnelle de l’ignorance est enfin complétée par une étude des représentations que les usagers se font de la dégradation de leur lac, permettant d’identifier les dynamiques sociales, les conflits et les jeux de pouvoir autour de l’appropriation de l’espace et de l’accès à l’eau, qui conduisent à l’invisibilisation du problème de l’eutrophisation.